Le premier transistor

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Le premier transistor

Le premier transistor, c'est Victor Hugo. Il disait : "Je suis l'écho sonore de mon temps." Je n'ai jamais supporté l'injustice. Je me suis toujours senti solidaire du tordu, du petit, du mal foutu. J'étais courageux, mais pas costaud, souvent j'ai pris des branlées, des coups qui ne m'étaient pas destinés. Je n'ai jamais supporté la curée. J'ai suivi cet espèce de chemin de crête exigeant, hors des majorités, des chapelles, des familles de pensée. À une époque où il est convenu de converger, il y a un politiquement correct, un sexuellement correct, un moralement correct, je crois que ce qui nous menace le plus c'est ce totalitarisme démocratique. J'ai été de ceux qui ont voulu que les murs, les totalitarismes tombent mais ce qui me paraît inquiétant c'est que sur les ruines des murs qui découpaient l'Europe, les murs de toutes les oppressions, on en a bâti d'autres qui sont invisibles, dans nos têtes, imperceptibles, plus difficiles à repérer, à démolir. C'est ce que tout le monde appelle pensée unique. Dans cette pensée, pour diverger, on est obligé d'être seul. Des hommes et des femmes disent des choses seuls dans leur coin. Grâce à eux, le monde continue à respirer, à avoir des poumons. Pour continuer à respirer, il faut que des êtres continuent à dire ce que personne ne veut entendre. Ce qui me paraît inquiétant c'est de vivre dans un monde où il n'y a plus du tout de négativité, de puissance de la négation, de creuset pour la liberté. Où il nous est demandé, non pas de la fermer, on peut dire tout ce qu'on veut, mais quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, c'est récupéré dans un discours lénifiant, organisé. Je crois que pour se ressusciter, pour se susciter, il faudra qu'on dise, et ce plus massivement qu'aujourd'hui, que nous sommes dans un monde qui est fondamentalement immonde.

Tristan Cabral

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