Blanc comme neige

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Blanc comme neige
"Le fond bleuté des yeux des vagabonds commence à geler. L’argent serre les mâchoires. Le monde est une plaque de plâtre qui se décolle d’un mur : ce qui apparaît dessous est d’une dureté de fer. Ne resteront bientôt de tendres que les nuages, les fleurs et quelques visages de loups – de ces visages que la main manucurée de l’argent n’a pas encore nettoyés, qui gardent la parure d’une sauvagerie divine. Si l’on veut aujourd’hui savoir à quoi ressemble l’âme, il faut chercher dans les images anciennes, celles des mineurs aux yeux de porcelaine blanche roulant dans la chair noire, ou celles des nouveau-nés sidérés aux berceaux enflammés de dentelles. Les livres sont des huttes pour les âmes, des mangeoires pour les oiseaux de l’éternel, des points de résistance. Je tends une main de papier à des êtres invisibles. J’ai la faculté de voir à travers le mur de fer : nous allons vers de très belles choses, une fois passé l’enfer. Ma mère m’a appris que j’étais né entre deux éclats de ses rires, ce qui sans doute explique le grain de cette phrase : nous allons par le pire à des choses très fleuries et très douces, accordées au secret de nos âmes."
 
Christian Bobin
Un assassin blanc comme neige
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