Quelqu'un

Publié le

Quelqu'un
Quelqu’un commence à parler dans une chambre
et c’est bien tard sans doute, quelque chose a changé
ou s’est perdu dans la tête de celui qui parle
et ce qu’il dit ne ressemble que de très loin à son mal,
c’est peut-être que la mémoire devient plus profonde
et qu’on hésite à revenir là où le cri s’est arrêté
n’importe, il faut avancer avec toutes ces vieilles blessures,
la chambre est vieille aussi mais elle oublie dans le soleil
et la table est là toute proche et qui se rassure
//
Quelqu'un n'a pas de nom et c'est peut-être mieux ainsi
de ne plus rien savoir de soi et que les mots vous portent.
Il pleut très doucement dans un poème
et la ville est couchée là tout près comme un bon chien,
des choses passent et puis d'autres reviennent
il y a des mots qui sont lourds de soleil
et qui disent très bien la fourrure secrète d'une femme
et d'autres qui sont pleins de brume jusqu'au réveil
il pleut si doucement que c'est peut-être un autre monde
pareil à celui-ci mais sans hâte et sans orgueil
et c'est dans le dedans de soi comme des gouttes de silence.
Une lampe qui veille dans la nuit, un cœur qui n'en finit plus de croire,
quelqu'un invente son histoire par-delà la fureur et le bruit."
 
CLAUDE ESTEBAN (1935-2006)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article