Le bruit des lutins

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Le bruit des lutins

Ils ont beau réchauffer l’atmosphère, le torchon brûle entre le bœuf et l’âne, entre le corps et l’âme. La chaleur de la crèche n’était qu’un feu de paille. Enrôlé contre son gré par le noir des soutanes, l’enfant né dans l’étable boite déjà du cœur. L’étoile du berger s’habille de néon. Le sens de la fête maquille le néant. Cachant le vide qui nous entoure, les lumières de Noël font tourner les compteurs, faisant cracher leurs sous aux endettés chroniques. La fée des neiges n’était qu’une vendeuse de barbies, de mitraillettes-jouets et de machines à sous. Le Père Noël étouffe sous le poids des cadeaux. Il traversait décembre sur un vélo d’enfant. On n’entend plus crisser ses roues sur les parterres de glace et le printemps s’en crisse. Entre le Noël des pauvres et celui des marchands, il s’est pendu au nœud des emballages. On n’entend plus son rire mais le tintement du cash, le bruit des lutins agitant leurs grelots dans la poche des rennes et le cri des forêts sacrifiant leurs sapins. Coincé entre le rêve des enfants et les cartes de crédit, le Père Noël s’est noyé parmi les cheveux d’ange et les crèches en plastique. Étranglés de guirlandes et de psaumes à rabais, les sentons sentent moins bon. À peine janvier s’amène, déguisés en rois-mages, les huissiers frappent aux portes.

Jean-Marc La Frenière

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