Les nécessités

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Les nécessités

Chaque jour d’usine est un anneau de plus aux chaînes du prisonnier.
 

Est-il nécessaire d’enterrer les Noirs sous la botte des tyrans,
que le sang des enfants gicle des mitraillettes,
pour transformer l’Afrique en cave à diamants?
 

Est-il nécessaire pour les Sionistes de faire porter l’étoile jaune aux Arabes ?
 

Est-il nécessaire pour les Islamistes d’ haïr tous les autres ?
 

Est-il nécessaire de plaider le coût de la vie
pour justifier les salaires mal acquis, les âmes vendues et les sueurs à gage ?
 

Est-il nécessaire d’aller aux urnes
comme un troupeau de fantômes, de zombis, de morts-vivants
quand on sait le prix dérisoire des élus ?

Est-il nécessaire de tricher pour gagner le Tour de France ?

Est-il nécessaire pour faire son nid
de raser les forêts,

de brûler au fer rouge les oiseaux de malheur,
de faire de la mer un immense dépotoir ?

Est-il nécessaire que chacun s’agenouille devant la bourse des valeurs ?

Est-il nécessaire d’avoir un micro pour parler aux oiseaux,
un permis de séjour pour respirer la vie,

un bouquet d’immortelles pour aimer ?

Est-il nécessaire d’avoir un corps d’athlète
pour faire tomber les masques ?

Est-il nécessaire de tuer le voisin pour
agrandir sa cour ?

Est-il nécessaire d’apprendre l’ossuaire à la lueur des chiens,
de compter les étoiles entre les balles traçantes,

de faire avec des mines un jardin de moignons ?

Est-il nécessaire pour changer de pays
de faire profil bas dans un bureau de la peur ?

Est-il nécessaire de mettre en sourdine la langue des violons,
tuer l’oiseau dans l’œuf et le soleil dans les fruits

pour laisser place aux larmes de crocodiles ?

Est-il nécessaire d’édulcorer les lettres d’alphabet
pour sucrer son café ?

Est-il nécessaire de tâtonner autour des poubelles
comme des loups sans dents ?

Est-il nécessaire de toucher le fond pour apprendre à nager ?

Est-il nécessaire de semer la mauvaise herbe du négoce
dans les jardins du rêve ?

Est-il nécessaire qu’on guillotine la belle tête des lumières,
qu’on éviscère l’absolu pour une liasse de billets ?

Est-il nécessaire de naître déjà chronométré, numéroté, fiché ?

Est-il nécessaire de ne plus parler qu’une langue numérique
par peur de se toucher ?

Est-il nécessaire d’emprunter pour mourir et de payer pour vivre ?

Jean-Marc La Frenière

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